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23/12/2006

symbolique des bijoux



Bijoux Touaregs

 

Du creuset du bijoutier d'où s'écoule le métal incandescent, à la parure somptueuse rehaussant la beauté de la femme, il y a tout un univers de traditions, de représentations symboliques, de techniques enseignées par le père au fils, lequel devenant dépositaire de la connaissance la transmettra à son tour.

 

Qu'ils soient amulettes, colliers, pendentifs, croix d'Agadez, de Tahoua ou autres, bracelets, bagues, boucles d'oreilles, les bijoux touareg en argent, sertis parfois de pierres semi-précieuses, pouvant aussi être incrustés de bois d'ébène ou de cuivre, dans leur originalité et leur beauté unique racontent par leurs dessins géométriques, finement gravés, le mode de vie séculaire des hommes libres, habitants des grands espaces désertiques du Sahara.

 

L'on y découvre, entre autres, le puits et les troupeaux, qui y sont abreuvés, des petites dunes stylisées représentant le chemin des caravanes, les sources d'eau chaude et d'eau froide évoquant un village, des étoiles repères immuables dans le ciel du désert.

 

Au verso de chaque parure est apposée une signature dans un alphabet appelé tifinagh, écriture à la fois consonantique et pictographique, qui est enseignée par la femme à son enfant en dessinant les lettres dans le sable du désert.

 

Dès l'aube de l'humanité les bijoux ont toujours accompagné l'être humain, ils ont été et sont encore représentation sociale, symbole sexuel, rite de passage, dot, amulette, pouvoir d'achat, cependant ces parures touareg héritières d'une longue tradition sont également, et comme partout dans le monde, des cadeaux appréciés, des bijoux de fêtes, de mariage, de tous les jours et des gages d'amour.

 

le Tifinagh

les bijoux sont signés (ou portent le poinçon) de leur créateur en alphabet Tifinagh, utilisé pour retranscrire le tamasheq, langue des touareg, avec diverses variantes.

 

 

La langue berbère est peut-être la seule langue africaine qui fut et qui soit encore notée par un alphabet véritablement vernaculaire, les caractères libyco-berbères (de Libye nom donné par les anciens grecs à la bande côtière de la Méditerranée allant du Nil à l'Atlantique et aux terres désertiques la jouxtant). Ancêtre des tifinagh (tafinaq au singulier), cette écriture l'une des plus ancienne du monde est encore utilisée de nos jours chez les touareg.

 

Alphabet consonantique, de style géométrique et non cursif, il ignore les voyelles, ce qui en complique la lecture. La valeur de certaines consonnes peut varier en fonction des prononciations locales et certaines lettres être notées avec des signes de formes différentes, ou s’assembler pour créer une double consonne, à valeur biconsonantique.

 

On retrouve des vestiges de l'écriture libyco-berbère de la Tunisie au îles Canaries, en particulier par des épitaphes inscrites sur des monuments funéraires monumentaux, sur des stèles, et au Sahara accompagnant des gravures rupestres. La date attestée de son ancienneté est de 138 avant J.-C. Cependant les préhistoriens estiment que son origine est nettement plus ancienne et daterait environ du Vlème/VIlème siècle BC, où serait même antérieure à cette période, les spécialistes avancent des dates de 1200 à 1300 BC pour des inscriptions sahariennes. C’est environ au Vème siècle, soit à la fin de la domination romaine, qu’elle a cessée d’être utilisée en Afrique du Nord. Mais parfois l'on découvre encore certaines lettres, vidées de leur substance, devenues décoration sur des supports lents à mémoire tels que des poteries ou de la tapisserie.

 

Chez les touareg la mère apprend à son enfant, les différents caractères de l'alphabet tifinagh en les dessinant dans le sable du désert , support rapide sans mémoire. Terrain de jeu par excellence pour les petits et les grands, il permet d'en mémoriser les subtilités par le déchiffrage de devinettes, de petits poèmes.

 

Les tifinagh s’écrivent traditionnellement de bas en haut, mais le sens de la graphie peut varier en fonction de la place et du support. Les touareg les apposent principalement sur des objets artisanaux comme signature, petits textes et pour transcrire des courts messages.

 

Actuellement il y a réappropriation par les populations berbères du Maghreb des tifinagh (tifinak ou tifinar), en tant que revendication identitaire et culturelle. Par la  création de signes vocaliques et des essais d’unification des caractères , de nombreuses tentatives sont faites pour en faciliter l’accessibilité et la diffusion.

 

Cette écriture multi-millénaire et fascinante, reste un large champ de recherches et d'études. En effet bien que les tifinagh notent des phonèmes, ils nous renvoient aussi à la naissance des premières écritures et aux symboles, qui les ont précédées. Le tafinaq représentant un homme debout, valeur z en français, rappelle concrètement ce processus, car chez les berbères il transcrit aussi le mot amagik en tamachek (Aïr), amazigh en tamazight (Kabylie), qui signifie l'être humain libre.

 

 

croix touarègues

Croix touarègues

 

On recense 21 modèles différents de croix (22 avec la croix de Mano Dayak, créée en 1996 après sa mort). Chaque croix est le symbole d'une ville et permet de connaître la provenance des personnes qui la portent. Il est difficile d’être catégorique sur leur origine. Selon certaines études, les croix existeraient depuis l’Egypte pharaonique. Mais il se pourrait également qu’elles datent d’une période pré-islamique plus récente, à l'époque où les tribus furent influencées par le christianisme et le symbole de la croix chrétienne. Les croix touarègues, transmises de père en fils, pourraient aussi symboliser les 4 points cardinaux : « Mon fils, je te donne les quatre coins du monde, parce qu'on ne peut pas savoir où on mourra ». Elles sont à présent portées par les hommes comme par les femmes.

 

Symbolique de la croix d'Agadez

 

Ces bijoux en argent sont réalisés par les forgerons d'Agadez selon la technique de la forme perdue dont la première étape consiste à modeler en cire une réplique grossière de la croix. Cette forme est alors enrobée d'argile puis cuite dans un feu attisé par le soufflet de cuir qu'actionne un apprenti. La température liquéfie la cire qui s'échappe par une extrémité, libérant ainsi un moule en terre cuite creux dans lequel est coulé l'argent. Après refroidissement, l'artisan casse le moule d'argile pour en retirer la croix brute. C'est en limant et ciselant longuement qu'il termine la célèbre croix d'Agadez.